lundi 9 mars 2015

Georgia on my mind

Dimanche
Par le hublot de l'avion, après moins de trois heures de vol depuis Moscou, la campagne s'étale sous nos yeux ébahis et l'appareil se pose. Normalna (нормально). Mais depuis la capitale de la Fédération de Russie, si bruyante, si grise et tellement agitée, ces maisons, ces champs, ces arbres, si simples, si normalna, c'est comme la paix qui soudain s'abat sur nous. Et quand on vient de l'empire de la propagande, c'est réellement savoureux. On se sent chez sois, quand on est Français en tous cas ; en étant originaire d'un autre pays je ne sais pas, je n'ai pas essayé.

L'aéroport est petit, L'avion n'était pas plein, nous sommes une vingtaine à attendre les bagages après le contrôle des passeports. Les douaniers ne nous regardent même pas passer. Tout est écrit en géorgien, c'est comme du chinois mais bien plus dépaysant car nous ne sommes jamais, à Moscou comme à Paris, confronté à cet alphabet. Ici par contre, on trouve sur les panneaux d'information, un sous-titrage en anglais (ce qui permet de savourer la beauté de l'écriture sans s'affoler). Peu de voitures sur le parking de l'aéroport. Il est 18h30, l'obscurité s'étale mettant en lumière ces grandes affiches publicitaires éclairées et recouvertes de ces nouveaux hiéroglyphes. Etant très sensible à la calligraphie, j'ai déjà identifié un certain nombre de signes sur le magazine de la compagnie aérienne. Daphné, elle, sait déjà écrire Tbilissi (თბილისი).




J'ai le sourire aux lèvres en prenant place dans le Mercedes 7 places qui nous accompagnera toute la semaine ; la vue des collines, de la rivière traversant le centre ville, la juxtaposition des monuments de toute évidence anciens et des bâtiments très design utilisant les matériaux les plus contemporains, achève de me mettre parfaitement à l'aise. Cette première impression se trouve vite confortée par la gentillesse de notre chauffeur anglophone, Karha, et de notre guide francophone, Lili, rencontrée le lendemain. Notre premier hôtel est impeccable, l’hôtesse d'accueil est anglophone aussi, impeccable ! La qualité de la finition de la salle de bain et de la chambre est extra, la modernité en bien là. Robinetterie Grohe, s'il vous plaît !

Nous aurons l'occasion de traverser, dès le lendemain, des quartiers non encore rénovés et de voir quelques mendiants véritablement miséreux. La modernité est récente et l'ère de libéralisation post-soviétique n'a pas encore trouvé son équilibre. Nous partons à la recherche d'un premier restaurant géorgien. C'est une cuisine très répondue dans Moscou et c'est déjà, de l'avis de tous, à tomber par terre alors ici, sur la terre même de la Géorgie, je ne sais comment qualifier la cuisine qui va -je peux déjà vous le dire- dépasser nos attentes.

Nous trouvons rapidement une rue piétonne avec un nom français. Nous voyons quelques drapeaux ukrainiens. La folie dominatrice de Poutine ne peut que rapprocher ces 2 cultures riches, pleines de poésie et de savoir-vivre. Et, à mon grand étonnement, les liens avec la France sont anciens et profonds. Et, je vous le donne en mille, nous atterrissons pour ce premier dîner sur une place nommée Maïdan (ce n'est que le lendemain que j'apprendrai son nom) ! Un premier restau en sous-sol désert nous fait faire demi-tour et nous arrivons au premier étage d'une espèce de brasserie conviviale, bruyante de monde avec une carte très fournie en photographies (çа aide pour choisir). Nous bavons comme des bêtes affamées. Et comme toujours dans les restau géorgiens, nous commandons ceci et cela et avons toutes les peines du monde à tout manger. Ce sera donc encore une fois sans dessert. Sans regret, nous apprendrons que ce n'est pas leur spécialité, ils terminent généralement le repas par un fruit. Bonne nuit.

Lundi
Nous visitons une église derrière la statue du roi fondateur sur son cheval, dominant la vallée, puis la forteresse Naricala du IVème siècle, elle aussi surplombant la rivière mais sur l'autre rive. La vue sur la ville est dégagée. D'un coté, de belles maisons accrochées en haut de la falaise dominent le cours d'eau. Un pont de verre ondule jouant de ses reflets verts avec les eaux parties de Turquie pour la mer Caspienne à travers la Géorgie et l'Azerbaïdjan. Dans le fond de la vallée, de gros chapeaux de champignons blancs de tailles et hauteurs diverses recouvrent un bâtiment moderne en verre à vocation administrative. Non loin de là, deux énormes tubes métalliques légèrement coniques, dont l'extrémité de chacun est fermée par un opercule géant en verre, s'étalent au pied de le rivière. L'ancien gouvernement avait entrepris la construction de ce qui devait être une salle de concert mais le projet futuriste très onéreux a déplu à la nouvelle équipe et le projet est stoppé. C'est vrai que dans le centre de Tbilissi il y a déjà une grande mixité architecturale avec des bâtiments construits sur une période de plus de 1500 ans, de la forteresse au parlement soviétique. De l'autre coté, une église récente à trouvé sa place dans les ruines de l'ancestrale forteresse avec à ses cotés l'arrivée d'un téléphérique digne d'une station de sports d'hiver ; à l'horizon, sur le même versant, au delà des zones habitées, une immense bâtisse en verre, sur la crête, avec un héliport sur un des toits. C'est la résidence de l'ancien premier ministre. C'est toujours ça qui n'est pas en Suisse me direz-vous. Mais coté corruption, il n'y a plus de contrôles de police sur les routes, contrôles qui donnaient lieu à des tractations financières occultes. Toutes les amendes se payent désormais dans les bureaux de l'administration et c'est un grand soulagement pour tous. 

Tout près de la rivière, des bains en pierre surmontés de plusieurs dômes ont été construits sur des sources d'eau chaude sulfureuse. A coté on y trouve aussi des bains turcs (en travaux, nous sommes encore hors saison). Et on peut lire sur les maisons voisines les signatures d'Alexandre Dumas, qui a aussi donné son nom au lycée français de Moscou, et de Pouchkine dont j'ai déjà dit qu'il fréquentait une certaine bania moscovite célèbre, dans un article précédent. Il est étonnant d'apprendre que le pouvoir russe exilait certains intellectuels dans cette région pensant les confronter à des sauvages alors qu'ils pouvaient y trouver une communauté francophone raffinée. Une mosquée se trouve quelques mètres plus haut, sur la colline dominant les bains, avec une grande salle de prière vitrée, sans rideaux, dont on peut donc voir l'intérieur. Vous me direz que c'est le propre d'une vitre ; mais je vous répondrai que pour un lien de culte, je n'avais jamais vu ça. C'était bon ! Si bon cette transparence en ces temps de fanatisme, si bon de sentir une ouverture, un accueil, une liberté. Une grande tolérance domine en Géorgie, tout comme en Ouzbékistan d'ailleurs (voir les articles sur ce pays).

Ces sources sulfureuses sont à l'origine de la création de la ville. Elles sont au pieds de la forteresse qui est donc au dessus de la mosquée si vous avez suivi. Dans l'autre cas, elle s'y trouve aussi d'ailleurs. C'est un quartier principalement azerbaïdjanais qui a été refait avec goût. Une tradition ici, que l'on retrouve sur beaucoup de bâtiment, est de construire des balcons fermés en surplomb. Il y a 1700 ans, le roi Vakhtang chassait quand il rattrapa son rapace qui venait de "serrer" un faisan ; et quelle ne fut pas sa surprise de les retrouver dans cette eau chaude régénératrice ! Tbilissi fut donc créée à cet endroit. C'est un peu le même genre de légende que la création de Moscou : lors d'une chasse, la poursuite d'un énorme sanglier est interrompue par l'intervention d'un immense oiseau à deux têtes qui saisi la bête et la dépose sur le sommet de la colline qui surplombe la Moskova ; c'était évidemment un signe divin et le Boyard organisateur de cette chasse décida d'y bâtir ce qui deviendra la capitale de la Russie.

Puis le centre ville de Tbilissi nous offre quelques rues piétonnes très bien restaurées avec tout une série de cafés-restaurants. Un magasin de bijoux présente des émaux cloisonnés, un art local au fil d'or. Un théâtre contemporain avec son restaurant et son allure bancale et artisanale maîtrisée et très esthétique nous fait de l’œil. Il n'y a pas de date de spectacle et les prix des mets sont excessifs. Nous passons.
Cliquer sur l'image pour afficher le panorama à 360° de Tbilissi en haute définition (désactiver l'amélioration automatique dans le menu Plus)
A suivre.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

J'attendais des nouvelles avec une certaine impatience et je ne suis pas déçue ! Merci, Christophe de continuer à nous faire partager vos experiences et pérégrinations russes; c'est toujours un plaisir de te lire !! A la prochaine pour notre plus grand plaisir :)

Anne E. & Co

Anonyme a dit…

Merci à vous pour la carte qui nous a fait très plaisir et a mis un peu d'exotisme dans notre quotidien un peu bousculé depuis le début de l'année (décès de mon père, problèmes administratifs et grossesse bien avancée pour Sally...) !
C'est un plaisir de suivre à distance et de partager un peu toutes vos découvertes !
On vous embrasse... Françoise, Jérôme et Sally.

Unknown a dit…

Hello Christophe, j'ai eu ton blog via Marie Charlotte!
On souhaite partir en Georgie début mai, on est à Moscou, tu nous conseilles quoi comme spot, si possible prés de la mer?
Merci d'avance,
A bientôt, celinehediard@gmail.com

Enregistrer un commentaire