dimanche 28 septembre 2014

Baïkal 4 : Oulan-Oudé

Vendredi
Igor nous conduit au bac pour nous permettre de quitter l'île, à contre-cœur. Un nouveau chauffeur avec qui nous ne lierons aucun lien particulier nous attend avec un véhicule climatisé. Retour direct par la route pour Irkoutsk. Pose déjeuner rapide dans un resto quelconque en bord de route.
Visite du musée des Décembristes, ces révolutionnaires opposés au régime du tsar qui ont été déportés 50 ans en Sibérie et qui ont de ce fait apporté leur culture et une éducation avancée à Irkoutsk. Ses habitants leur en sont reconnaissants. Il s'agissait d'officiers dont la plupart ont été rejoint par leur famille qui ont dû abandonner leurs fortunes et leurs titres de noblesse. Le bâtiment qui fait office de musée est une ancienne maison d'un des principaux Décembristes ; elle est tout de même très bourgeoise et est présentée avec les meubles d'époque. Il y a par exemple un piano-pyramide dont je ne soupçonnais même pas l'existence (voir les photos).
Repas russe au London Pub (tout est possible en Russie) et train de nuit pour Oulan-Oudé.

Samedi
Réveil à 6h ; nous logeons chez l'habitant. Julia nous a préparé un copieux petit-déjeuner. Deux heures de repos et départ pour le monastère bouddhiste de la région, très proche d'Oulan-Oudé, le datsan d'Ivolguinsk. Ce monastère est le plus grand et le plus prestigieux de Russie  ; il abrite la résidence de Khambo-Lama, le chef des bouddhistes de Russie. L'un des trésors du lieu est une collection d'anciens manuscrits bouddhistes en langage tibétain sur de la soie naturelle. Nous avons pu voir également une grande tanka faite entièrement de sable et qui est préservée quelques temps sous verre, au grand plaisir des visiteurs car il s'agit d'un art éphémère et toute volonté de vouloir conserver des richesses ou toute inclinaison à s'attacher aux choses comme aux êtres est contraire à l'esprit de cette religion.
Notre guide a les yeux bridés, elle est bouriate ; elle descend donc des Mongols bien qu'elle soit russe. Elle parle un français impeccable et est très cultivée, c'est un plaisir. Beaucoup de Bouriates sont Bouddhistes mêmes s'ils restent chamanistes (aucun chiffre précis n'est disponible sur le nombre de pratiquants de l'une et l'autre religion et sur le nombre de pratiquants des 2 religions simultanément).
Les moines du monastère étudient les astres et donnent des consultations dans lesquelles ils apportent des conseils dans tous les domaines. Ils peuvent même adresser les malades à un chaman. Le patient donne ce qu'il veut comme rémunération. Certains moines sont spécialisés dans la médecine par les plantes tibétaines. Le Dalaï-lama ne peut toujours pas obtenir de visa lui permettant d'enseigner dans ce monastère qui a sa propre école (bâtiment de l'Université bouddhiste). La Chine s'y appose et la Russie s'incline. Il y a également une bibliothèque même si la période soviétique a entraîné la destruction d'ouvrages et d'objets de culte de toutes les religions du pays. Heureusement pour chacune d'entre elles, les habitants ont caché, jusque dans le forêt, tout ce qu'ils jugeaient dignes de l'être et l'ont souvent confié aux institutions religieuses après la chute de l'Urss.
On visite en faisant le tour de la cour dans le sens des aiguilles d'une montre (Tintin vous a appris j'espère que l'on passe toujours à gauche d'une stupa) et l'on est invité, à une douzaine d'endroits au moins, à faire tourner, toujours dans le même sens, des moulins à prière. Certains ensembles de moulins en comprennent une douzaine, placés les uns après les autres ; exceptionnellement on peut les trouver placés sur deux niveaux différents en hauteur. Et quelques fois aussi, un seul gros moulin que l'on fait tourner à deux mains, nous attend pour disperser nos énergies positives. Les enfants ont trouvé que c'était bien cool comme religion. On a vu des moines réciter des litanies à l'intérieur d'un ou deux temples mais aucune vocation ne s'est confirmée dans la famille. Tous les temples de ce lieu sont splendides (Wikipedia en énumère quatre mais moi j'en compte six différents sur mes photos). Un stade a été construit à coté pour permettre des rencontres entre les moines de la région, non pas philosophiques mais en lutte traditionnelle, tir à l'arc et équitation.
Après le déjeuner, nous allons visiter le musée de l'ethnographie. C'est un parc en plein air dans lequel on été déplacés des maisons meublées de manière traditionnelle, des tombes et même une grande église en bois des Vieux Croyants. Ce lieu est très populaire et comme nous étions le week-end (выходные en russe, выход étant la sortie), il y avait plusieurs couples de mariés venus faire des photos. Ils commencent à flasher sur le parking, à coté des grosses voitures, des bouteilles d'alcool à la main. Toutes les amies de la mariée rivalisent de féminité, perchées sur des talons qui n'en finissent pas. Et toutes se font photographier. Au delà du mariage, c'est le même comportement sur tous les lieux touristiques, à Moscou ou au lac Baïkal. La femme s'assoit, s'allonge, relève la tête, une main dans les cheveux ou sur les anches, toutes ces poses que l'on associe aux mannequins ou aux stars, elles les connaissent et les reproduisent. Ça nous fait plutôt marrer. Les russes font ça très sérieusement avec de beaux appareils reflex équipés de grands objectifs et avec un certain talent quand on voit les résultats sur les profils des réseaux sociaux.
Dans ce fameux musée ethnographique, les plus anciens vestiges sont des tombes attribuées aux Huns. La plus grande est constituée d'un cercle de grosses pierres de cinq mètres de diamètres environ avec en son centre un amas de pierres d'un mètre de rayon. Une autre tombe est faite de pierres dessinant le contour d'une tortue. Mais ce qui m'a le plus intéressé ce sont les éléments de la culture evenk, ces éleveurs de rennes nomades que l'on n'a pas pu seulement croiser car ils vivent dans le nord de la Bouriatie.
Il y аvait plusieurs чум (tchoum), tipis faits d'écorces de bouleaux, et un autre pour l'hiver en peaux de rennes avec, à l'extérieur, des sculptures en bois en forme de rennes, d'oiseaux, de divinités. L'écorce de bouleaux leur permet également de faire des seaux et des sacs.

Dimanche
Aujourd'hui nous allons à une petite heure de route voir un village de vieux croyants et rencontrer une famille. Ces gens se sont exilés en Pologne pour continuer de pratiquer le rite orthodoxe à l'ancienne manière, sans adopter les nouveaux principes imposés par le tsar avant d'être priés, par Catherine II, d'aller peupler la Sibérie. Ce n'est que depuis le début des années 1990 qu'ils peuvent librement vivre leur foi sur le terre russe. On s'attend donc à découvrir des réactionnaires austères, à l'opposé du faste des églises orthodoxes baroques de Saint-Pétersbourg (voir mes photos de Saint-Pétersbourg) ; et bien que ne ni, c'est tout le contraire qui nous attend !
Pour commencer, les maisons en bois sont trop tristes à leurs yeux donc on ne se contente pas de peindre le tour de la fenêtre mais on peint toute la maison. Et les couleurs doivent être vives. Alors que j'imaginais des maisons de bois noircis dans une forêt sombre, je découvre un village coloré au milieu des champs sous le soleil ! la Bouriatie compte plus de 300 jours de soleil par an, 2 mois à 30 degrés et le reste du temps froid ou très froid (-40°). Je comprends mieux pourquoi les enfants ont 3 mois de vacances l'été et peu le reste de l'année. Toutes les familles qui ont des cultures s'activent pour préparer les conserves.
Nous sommes invités à déjeuner dans une famille qui nous reçoit habillée en costume traditionnel. La maison est peinte comme il se doit et même le chien a une belle niche jaune. La table du salon auprès de laquelle nous allons nous asseoir est couvertes de mets plus appétissants les uns que les autres. Et ils vont s'avérer plus savoureux les uns que les autres également. On remplit les verres de vodka ou d'un vin cuit pour les femmes ou de jus de fruits pour les enfants et le maître de maison porte un toast. Le toast est la base de l'alcoolisme en Russie mais aussi de la convivialité. La personne qui prend la parole se lève, fait son petit discours et tout le monde boit (le verre entier de préférence). Et ensuite c'est au chef de la famille invitée. Donc c'est à moi, pas question de se défiler ; le chef en Russie reste l'homme et c'est par exemple toujours à lui, au restaurant, à qui l'on donne l'addition. Et une vodka, une ! Et on mange jusqu'à plus soif. Et après c'est le mariage. Car pour nous présenter leurs traditions, nos hôtes chantent et jouent de l'accordéon mais aussi nous présentent une petite fête de mariage. Je n'ai pas les photos car j'étais le marié, en rouge soyeux, ceinture tissée colorée et chapeau de paille. Et la mariée était très belle, couverte de quelques kilos d'ambre en colliers. Il restait de la place dans notre véhicule donc je l'ai emmenée avec nous. Je suis vieux croyant maintenant. Et tellement vieux que ne je me rappelle plus quand est-ce que je croyais.

Pour conclure le séjour, nous visitons la ville D'Oulan-Oudé. Il y a un quartier de vieilles maison en bois, très séduisantes au premier regard. Le bord des toits et des fenêtres est tellement découpé qu'on les appelle les maisons en dentelle. Mais quand on sait qu'elles n'ont ni eau courante ni chauffage central, on comprend que ce sont des personnes défavorisées qui les occupent. Nous avons pu voir des habitants aller chercher de l'eau dans la rue avec leur seau à la main ; heureusement certaines de ces rues sont équipées d'une petite fontaine. J'ai oublié de m'enquérir de l'état de cette source d'approvisionnement quand la température descend à -40°. Ces maisons sont en danger car elles s'enfoncent de plus en plus dans le sol. 
Un tour au marché nous a permis de nous gaver de framboises car en Sibérie, ce sont les petits fruits des bois et baies qui occupent les étales. Un verre de kvas et au lit. Le kvas (prononcer le s) est une boisson traditionnelle russe plus bue ici qu'à Moscou. Elle est faite à base de pain fermenté et est considérée comme non alcoolisée (1 ou 2%). Une sorte de bière au goût fumé très agréable bien fraiche.

Lundi
Et puis le transsibérien pour Irkoutsk de jour cette fois avec le lac Baïkal comme paysage d'un coté et les forêts de l'autre. La lumière n'était pas au rendez-vous mais dans le wagon, il y avait un samovar intégré ! De quoi prendre son thé (incontournable, nous sommes sur la route du thé !), de quoi réhydrater notre plat lyophilisé. Certains voyageurs utilisent même le dessus du samovar pour poser leur casserole et réchauffer leur repas.

Mardi
Un petit tour dans Irkoutsk écourté par une averse et en route pour l'aéroport après une bonne nuit chez l'habitant. C'est la fin du périple au lac Baïkal en été. Car c'est un tout autre univers l'hiver. 
A bientôt pour de nouvelles nouvelles.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Super voyage ! manque plus que la vidéo ! Mais les photos et le texte stimulent l'imagination, Merci ! J'aurai bien aimé assister au mariage !!!

Biz

Anne E & Co

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